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Il n’y avait aucun élève à aider aujourd’hui si bien que la journée s’annonçait d’ores et déjà étrange pour Noam. Il n’était pas habitué à avoir autant de temps libre donc il n’avait aucune idée de comment l’aménager. Le rythme de vie auquel il était habitué était celui d’un méca récemment activé, même s’il avait connaissance d’avoir été rebooté il y a un peu plus d’un an désormais, il y avait en lui une programmation à laquelle il s’était habitué et qui était rassurante. Il quitta l’université d’un pas mal assuré qui l’amena jusqu’au grand centre commercial du quartier : le COEX. A croire que pour être rassuré, son système interne l’avait guidé malgré lui jusque l’une des places continuellement bondées de la ville. Il y pénétra tout en cherchant à se faire discret et commença ainsi le lèche-vitrine qui pour lui contrairement aux humains, se résumait à analyser chaque objet, chaque article qu’il voyait sans ressentir la nécessité de l’acheter. L’argent, il lui était fourni par l’académie de Séoul qui lui avait confié une carte bancaire comme s’il avait été un employé comme les autres. Pourtant, le robot savait qu’il n’en était pas un. C’est en passant devant une librairie que ses pupilles se dilatèrent d’une façon semblable à celle de l’espèce humaine face au plaisir ou à l’attraction. Ses lèvres s’étirèrent en un léger sourire lorsqu’il pénétra dans la boutique, s’achetant un album photo sur Paris, la ville d’où il provenait mais dont tous les souvenirs avaient été effacés.

Il ressortit puis se trouva confronté au plus grand magasin de méca, ses pupilles retrouvèrent leur taille normale mais il s’arrêta tout de même. Ses yeux ne pouvaient plus quitter le visage des ‘produits’ se trouvant dans les boîtes. Certains possédaient une étiquette rose près de leurs visages, pour d’autre elle était bleue ou jaune, il plissa les yeux de façon à faire un zoom très pratique qui lui permit de comprendre la différence. « Les roses sont pour mécas de compagnie… » Commençât-il à voix haute mais fut forcé de s’arrêter suite à une bousculade. « Hey, reste pas planté là tas de ferraille, tu vois bien que tu gênes ! » Lui dit l’humain l’ayant bousculé avec agressivité. Personne autour d’eux ne réagit parce qu’il s’agissait là d’une altercation quotidienne que tout le monde semblait trouver justifiée. Noam ne répondit pas, il n’était pas fait pour cela mais il prit cependant la peine de se déplacer afin de ne plus gêner. L’homme ricana. « Vous êtes vraiment cons, hein ? » Le ton employé était celui de l’interrogation, ce qui signifiait qu’il y avait une question à laquelle il devait répondre parce que là était sa fonction de parfait orateur. Il ne sourit cependant pas. « Techniquement parlant tous les mécas sont plus intelligents que n’importe quel humain mais il n’est pas très bien vu de le dire ou de l’exprimer. Généralement les personnes de votre espèce prennent peur et se braquent ou deviennent agressives. » Ce qui pouvait passer pour de l’insolence n’était en fait qu’une réponse nécessaire et franche à la question qui lui avait été posée. La réaction de l’homme fût alors exactement celle qu’il venait de décrire. Il devint agressif et le saisit par le col alors qu’un petit groupe se formait autour d’eux.

Noam fixait l’homme qui l’avait saisi par le col avec une expression insondable. Lui-même ne savait pas ce qu’il ressentait, son système central était envahi d’un tas d’articles dans lesquels il cherchait la meilleure réaction à adopter mais il semblait que trouver cette réponse en si peu de temps restait quelque chose d’impossible même pour des êtres aussi développés. La logique des choses voulait qu’il reçoive un coup de poing, le méca adapta alors une attitude de défense prêt à éviter le coup quand soudain une jeune femme à la chevelure aussi rouge que la sienne vint s’interposer. Dès le premier coup d’œil il comprit qu’elle était pourtant humaine et cela le surprit réellement mais ce ne fut pas la seule chose inhabituelle : son vocabulaire l’était aussi. Inhabituel et intéressant, il sourit. Son assaillant grommelait en se retournant. « De quoi je me mêle, pimbêche ? » Dès lors où il analysa ses mouvements Noam saisit son bras. « On ne frappe pas les dames. » prononça-t-il simplement en le repoussant plus loin, cette règle était de celles qu’on lui avait inculquées. Quelques personnes critiquèrent aussi bien la façon d’agir de la jeune femme que celle de l’homme avant de se détourner du spectacle terminé. En toute politesse, le robot s’inclina légèrement. « Je vous remercie de votre intervention. J’espère ne pas vous avoir causé trop de soucis. » Dit-il en se redressant, le regard posé sur le peigne et la paire de ciseaux entre ses doigts.

Son réflexe fût de se cacher le visage en voyant l'homme lever la main. Elle n'était pas du tout habituée à ce genre de violence mais elle savait au fond d'elle qu'elle ne faisait pas le poids face à la carrure de l’agresseur. Contre toute attente, le jeune homme, première victime, attrapa le bras de ce dernier pour le stopper net. Arrêté dans sa course, le gaillard se ravisa et tourna les talons avant d'injurier les deux personnes qu'il avait tantôt voulu frapper. Aecha haussa les épaules avant de plonger son regard dans celui de l'inconnu, lui destinant un sourire chaleureux sans savoir qu'elle s'adressait actuellement à un robot. Et d'ailleurs, cela n'avait pas la moindre importance. « de rien, merci à vous aussi. je n'ai rien, rassurez-vous. » elle consulta la montre à son poignet avant de jeter un coup d'oeil à son salon « ça vous dirait d'aller boire un café ? je dois simplement terminer une cliente. je vous l'offre pour vous remercier de m'avoir épargné un joli coquard. »

Aecha lui destina un sourire en l'entendant accepter sa proposition. Elle tenait sincèrement à remercier cet homme, bien qu'elle-même soit intervenue dans sa querelle. Bref, elle était bien élevée et avait le sens des valeurs. De plus, elle ne rechignait jamais à rencontrer de nouvelles personnes qui lui semblaient sympathiques; donc c'était bel et bien l'occasion. « merci, je vais faire vite ! » de toute façon, elle n'en avait plus pour des heures. Sans attendre elle pénétra dans le salon de coiffure et se dirigea vers le siège de sa cliente tout en s'excusant platement. Elle ne remarqua pas le visage renfrogné de celle-ci puisqu'elle avait préféré plonger ses yeux dans son magazine de mode plutôt que d'observer l'homme qui se tenait devant la vitrine, visiblement agacée.

Aecha sortit dix longues minutes plus tard, son portefeuille enfoncé dans la poche et ses cheveux rouges détachés. Un brin re-parfumée également. « merci pour votre patience, je suis prête. je connais un petit café non loin d'ici, en terrasse, peut-être ? »

La jeune femme s'humecta les lèvres à la question du jeune homme. Elle n'avait jamais aspiré à faire de très hautes études et s'était directement dirigée dans le domaine de la coiffure. Bien sûr, elle essayait d'éviter d'entrer dans le cliché de la coiffeuse jolie mais un peu cruche sur les bords. « houla .. depuis 4 ans ? mais je n'ai pas commencé dans ce salon de coiffure, je ne suis arrivée ici que ... depuis un an. » depuis qu'elle s'était remise de son accident, en fait. Elle se racla la gorge, chassant les mauvais souvenirs en arborant un sourire sincère. « au fait, je ne me suis pas présentée. je m'appelle kim ae cha ! et vous ? »

Elle avait froncé les sourcils en se demandant si c'était une technique de drague, mais s'était tout simplement ravisée sans faire la moindre réflexion. Il était plutôt amusant, et poli, et franchement pas déplaisant alors cela ne la dérangeait pas du tout. Peu importe ses intentions. Il était donc professeur à l'université, et bien, elle se sentait bien stupide à côté, bonne à coiffer des têtes à longueur de journée. « wah, un intellectuel ! vous enseignez quoi exactement, noam ? » Et oui, Aecha était une jeune femme curieuse. Elle s'attardait sur des petits détails que les gens se fichaient de savoir lors d'une première rencontre. Et c'était plutôt sincère, d'ailleurs ! Le cas de cet homme l'intéressait sincèrement, de toute façon, elle ne faisait pas assez de rencontre dans cette ville. Autant dire que celle-ci lui faisait un bien fou.

Aecha ne s'intéressait pas vraiment à la philosophie et elle fût un peu ennuyée de hocher négativement la tête à la question de Noam : « pas vraiment, j'ai tout fait pour quitter l'école le plus rapidement possible » elle accompagna ses paroles d'un petit rire cristallin pour détendre l'atmosphère mais l'homme prit de nouveau la parole pour désigner un établissement. Elle posa son regard dessus et s'arma d'un sourire. « oui, ils y font de délicieux cafés glacés. » ah ... le Starbuck, elle aurait vendu son âme pour y aller tous les jours. « il n'y a pas trop de monde en plus, c'est l'occasion ! » et sans attendre elle se dirigea vers l'endroit, accompagnée de Noam. Elle se plaça dans la file, toujours amusée. « vous avez beaucoup d'étudiants ? vous vous entendez bien avec les jeunes ? »